Les Roms  d’Ukraine: mieux comprendre pour mieux accueillir

Retour de la formation du 21 juin 2022


“La crise de l’accueil à la suite de la guerre en Ukraine pose des défis particuliers. Un grand nombre de personnes fuyant leur pays, notamment des femmes et des enfants, recherchent la sécurité dans notre pays. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour répondre à ce besoin”
, Annelies Verlinden.

Depuis cette déclaration, effectuée le 18 mars dernier lors de l’envoi d’une circulaire à l’ensemble des bourgmestres de Belgique, des familles ukrainiennes sont accueillies dans nos petites et grandes communes de Wallonie, que ce soit au sein des milliers de familles qui se sont portées volontaires ou dans des logements proposés par les autorités locales.

Si cette situation inédite pose des défis particuliers, il semble que l’accueil de ces familles, lorsqu’elles sont roms, en pose d’autres : choc culturel ? familles élargies ? scolarisation des enfants ? Inadéquation des solutions proposées aux familles accueillies ? Ces défis sont-ils réels ? fantasmés par les stéréotypes ? Les Ukrainiens roms sont-ils des Ukrainiens comme les autres ? Comment les accueillir ? Comment les insérer dans le parcours d’intégration ?

Pour répondre à ces questions – et bien d’autres ! – le Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms a organisé, en partenariat avec le Centre d’Action interculturelle de la Province de Namur, une formation à destination médiateurs(trices) roms et aussi à tout intervenant, médiateur, accompagnateur ou encore hébergeur qui accueille ou travaille en contact avec les populations concernées.

Dans le cadre de cette matinée de formation, la chercheuse Tatiana SIRBU (collaboratrice scientifique à l’Institut d’Analyse du Changement dans l’Histoire et les Sociétés Contemporaines – IACCHOS – et membre du Laboratoire d’anthropologie prospective de l’Université catholique de Louvain) a présenté un exposé intitulé Rétrospectives et perspectives actuelles des communautés roms de Moldavie et Ukraine.

A travers celui-ci, elle nous a partagé ses recherches sur l’évolution des Roms de Moldavie et d’Ukraine depuis la période de leur esclavage sous l’empire tsariste (XVème siècle), à nos jours dans le contexte actuel du conflit russo-ukrainien, en passant par la deuxième guerre mondiale et l’éclatement de l’URSS, périodes qui témoignent notamment de la sédentarisation forcée et du génocide des Roms : autant d’éléments historiques marquant qui nous éclairent sur l’origine de l’antitsiganisme et les causes des discriminations et des traitements inhumains et dégradants qui persistent encore aujourd’hui à l’encontre de l’ethnie Rom, la plus grande minorité ethnique d’Europe.

Madame RAMELOT (Inspectrice générale du SPW – Cellule de coordination Accueil des réfugiés ukrainiens du Service Public de Wallonie) a ensuite présenté le dispositif wallon d’accueil établi pour les ukrainiens et notamment la plateforme de solidarité établie par le Service public Wallonie Logement destinée à mettre en relation les citoyens souhaitant faire une offre de logement et les ukrainiens à la recherche d’une solution d’hébergement.

Un échange de questions/réponses a permis à Madame Ramelot d’apporter des précisions sur des situations particulières. Cet échange  a mis en lumière certains éléments :

La complexité des situations et un nécessaire ré-équilibrage des solutions de relogement en fonction de chaque province. Travail qui sera effectué durant l’été.

Les difficultés vécues au niveau local à l’entame de l’été. De nombreux accueillants privés souhaitent que leur logement soit libéré avant de partir en vacances.

Les difficultés à trouver des solutions de logement pour les familles (très) nombreuses. Un travail de médiation avec les familles et les communes permet régulièrement de trouver des pistes de solutions.

Les difficultés linguistiques et les freins habituels au logement pour les personnes qui émargent au CPAS.

Enfin, Tamara NISSEN (juriste au Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie) s’est exposée sur la protection temporaire octroyée par les Etats membres de l’Union européenne aux Ukrainiens en application de la décision d’exécution 2022/382 du Conseil de l’UE du 4 mars 2022 qui a fait le constat de l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine.

Cette protection consiste en l’octroi aux ukrainiens déplacés depuis le 24 février 2022, par le biais d’une procédure rapide et simplifiée, d’une protection immédiate et temporaire sur le territoire des Etats membres, qui est valable pour une durée d’un an, du 04.03.2022 au 04.03.2023, renouvelable automatiquement pour deux périodes de six mois sous l’hypothèse que les circonstances du conflit ukrainien persistent, et prorogeable pour une troisième année sur décision du Conseil s’il subsiste des raisons de maintenir la protection. Le statut de protection temporaire prévoit un droit de séjour pour la période de protection prévue ainsi que des droits sociaux tels que l’accès au marché du travail et au logement, un soutien nécessaire en matière d’aide sociale et médicale ainsi que l’accès au système éducatif, sans mettre à mal l’accès à la procédure d’asile qui se voit cependant actuellement suspendue.

La matinée s’est clôturée avec l’intervention d’Ahmed AHKIM et des médiateurs roms Ladislau WATZ et Ljulji SECIRI qui ont fait part de leur expérience de terrain dans le cadre de leur mission de médiation pour les roms d’Ukraine. A travers leurs récits, la nécessité du travail de médiateur rom a été mise en lumière. La médiation s’avère en effet essentielle vu la nature des difficultés que rencontrent les roms qui portent notamment sur la communication (non-compréhension de la langue), le manque de confiance, s’expliquant lorsque l’on tient compte du contexte historique, de l’antitsiganisme, de la stigmatisation et des discriminations dont les roms sont victimes, la différence de culture et de mode de vie ainsi que sur la composition des familles roms qui sont souvent nombreuses. Ces différences mettent à mal l’accès effectif des roms aux droits qui entourent l’accueil, notamment l’accès à un hébergement, dont doit pouvoir bénéficier tout ukrainien sur le territoire de l’Union européenne dans le contexte actuel du conflit russo-ukrainien. L’intervention d’un médiateur rom permet dès lors de faciliter la communication entre les acteurs (publics et privés) de l’accueil, et les roms qui sont également soutenus dans leurs démarches administratives et la mise en œuvre de leurs droits.

Pour aller plus loin : 

Support de l’exposé « Rétrospectives et perspectives actuelles des communautés roms de Moldavie et Ukraine » – Tatiana SIRBU, collaboratrice scientifique à l’Institut d’Analyse du Changement dans l’Histoire et les Sociétés Contemporaines – IACCHOS – et membre du Laboratoire d’anthropologie prospective de l’Université catholique de Louvain

Support de l’exposé « Le dispositif wallon d’accueil des réfugiés ukrainiens » – Madame RAMELOT, Inspectrice générale du SPW – Cellule de coordination Accueil des réfugiés ukrainiens du Service Public de Wallonie

Support de l’exposé « Protection temporaire pour les Ukrainiens. Quel statut ? Quels droits ? quelle procédure ? » – Tamara Nissen, juriste et chargée de mission au Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms

Formation organisée par le Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie en partenariat avec le Centre d’Action interculturelle de la Province de Namur