Biographie de Serge Poliakoff
Serge Poliakoff, treizième d’une fratrie de quatorze enfants, voit le jour à Moscou le 21 janvier 1900. Son père, Georges Nicolaevitch Poliakoff, d’origine rom kirghize, est fournisseur de chevaux pour l’armée russe. Sa mère, très pieuse, l’emmène régulièrement à l’église, où il est fasciné par les icônes, une influence majeure dans son œuvre future. Issu d’une famille aisée et cultivée, le jeune Serge apprend la musique dès l’âge de 12 ans, puis, à partir de 1914, il se consacre au dessin à Moscou. Peu intéressé par le lycée, il préfère de loin la lecture.
Son enfance heureuse bascule avec la révolution russe de 1917, qui provoque la dispersion de sa famille. Serge ne reverra jamais sa mère, à laquelle il était profondément attaché. En exil, il choisit de suivre sa tante Nastia, une célèbre cantatrice de folklore tzigane et de la “sainte Russie”, à Constantinople, où il l’accompagne à la guitare dans son orchestre Balalaïka. L’ensemble se produit à travers l’Europe – Sofia, Belgrade, Berlin – avant d’arriver à Paris, où Poliakoff décide de quitter la troupe et de s’y installer en 1923.
À partir de 1929, il étudie la peinture à l’académie de la Grande-Chaumière à Montparnasse. Il commence par peindre des toiles figuratives – nus, portraits, paysages – dans un style académique. Il expose pour la première fois lors d’une exposition collective en 1931 à la galerie Drouant. Il poursuit ensuite sa formation à l’académie Frochot sous la direction d’Othon Friez, Ivan Cerf et Marcel Cosson. Pour subvenir à ses besoins, il joue de la guitare dans les cabarets russes le soir.
En 1935, Poliakoff part pour Londres, où il étudie pendant deux ans à la Slade School. Là, il rencontre Marcelle Perreur-Lloyd, qui devient son épouse et lui donne un fils, Alexis, en 1942. Il continue à jouer de la guitare pour vivre et tourne même dans plusieurs films en tant que guitariste. À Londres, il visite les musées, s’inspirant des primitifs italiens et des sarcophages égyptiens du British Museum.
En 1937, il retourne à Paris avec son épouse et organise sa première exposition personnelle à la galerie Zak. Depuis 1936 et jusqu’en 1946, il participe au Salon des indépendants, où il rencontre Robert Delaunay. Les enseignements de ce dernier sur le contraste simultané influencent profondément son travail. Durant cette période, il fait également la connaissance de Kandinsky, qui déclare : « Pour l’avenir, je mise sur Poliakoff. » Sous ces influences, Serge Poliakoff se tourne vers l’abstraction, abandonnant la figuration. Son approche des couleurs, des formes et de la lumière s’affine et il rejoint l’avant-garde de la peinture abstraite, travaillant sur l’intensité et la transparence des couleurs. Face aux critiques qui jugent son travail décoratif, il adopte des tonalités plus sombres. Sa première exposition entièrement consacrée à ses œuvres abstraites a lieu en 1945.
En 1947, il remporte le prix Kandinsky. Dans les années 1950, ses œuvres deviennent plus géométriques, avec des compositions symétriques ou asymétriques. Sa première grande exposition a lieu en 1953. Il se fait connaître du grand public en exposant à l’APIAW (Association pour le progrès intellectuel et artistique de Wallonie) à Liège, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et au musée de Verviers. Dès 1954, ses œuvres sont présentées dans des musées et des expositions personnelles de plus en plus nombreuses, en France comme à l’étranger. Ses créations atteignent même le monde de la mode, avec Yves Saint Laurent qui présente en 1965 sa célèbre « robe Poliakoff ».
À partir de 1952, Poliakoff peut vivre de sa peinture grâce à un contrat avec la galerie Bing, ce qui lui permet de cesser ses activités de musicien. La même année, il découvre l’exposition « L’art du XXe siècle » au musée d’Art moderne de Paris, qui représente pour lui un véritable choc esthétique. Dès les années 1960, il abandonne les formes construites pour explorer les monochromes, jouant uniquement sur l’intensité de la couleur. Cette décennie marque la reconnaissance et le confort. La famille Poliakoff s’installe rue de Seine, où l’appartement devient un lieu de rencontre pour de nombreux artistes, musiciens et acteurs, dans une atmosphère joyeuse et stimulante.
En 1962, une salle lui est consacrée à la Biennale de Venise, la même année où il obtient la nationalité française. En 1965, il reçoit le prix de la Biennale de Tokyo. Les années 1960 sont également celles où il développe une passion pour les courses hippiques, un souvenir de son enfance.
Serge Poliakoff s’éteint à Paris le 12 octobre 1969.